Marc Fesneau, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, avec la complicité de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a récemment signé un intéressant décret, pourtant passé totalement inaperçu. Que nous dit ce décret n° 2024-423 du 10/05/24 portant adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l'environnement en matière d'élevage et aux autorisations environnementales ?
Il nous dit une chose très simple et qui n'a l'air de rien : "le tribunal administratif de Paris est compétent en premier et dernier ressort pour connaître des litiges relatifs aux projets liés" aux domaines mentionnés dans son titre (voir ci-dessus), comme par exemple les méga-bassines.
Ce faisant, le texte a trois conséquences :
- il supprime la compétence des tribunaux administratifs locaux au profit de celui de Paris ; en d'autres termes, il éloigne les parties aux contentieux du juge concerné (rappelons que les méga-bassines sont en majorité dans le sud-ouest ; certes, il y a des TGV... voire des avions...) ;
- en rendant compétent un unique tribunal, il crée un goulet d’étranglement qui va considérablement ralentir la marche auguste et sereine de la justice ;
- il supprime la possibilité de faire appel auprès d'une autre instance ("premier et dernier ressort ") ; c'est la fin du contrôle du juge par le juge.
Au passage, le texte a divisé par deux les délais de recours contre les décisions administratives sur ces types de projets. Nos ministres ont dû trouver que les opposants dégainaient trop vite...
Dans ce qui est encore une démocratie, un texte signé par des ministres pourtant a priori pas d'extrême-droite peut donc rogner discrètement les libertés publiques en limitant l'accès à la justice et aux recours, sans lesquels l’arbitraire devient possible. Et tout ça sans émouvoir personne.